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vois plus trop à quoi sert l’élite et où elle puiserait son droit. Qu’elle ne rende pas le peuple heureux par les moyens que le peuple choisirait, d’accord ; qu’elle lui fasse défricher des brousses, sécher des marais, bâtir des Versailles, mener une guerre de défense et même de conquêtes, en profitant soit de la force qu’elle a su concentrer en elle, soit de la confiance instinctive ou héréditaire que le peuple a mise en elle, soit : l’élite a précisément pour mission de voir plus loin, de prévoir et de savoir ce qui, en définitive, au prix de malheurs transitoires, fera la grandeur, la force, la sécurité et, somme toute, le bonheur du peuple ; — mais que l’élite ne se croie obligée qu’à créer de la beauté par ses efforts et ceux du peuple, et à faire de l’art avec le peuple pour matière, je ne suis pas assez artiste pour croire que le but vaille qu’on emploie ces moyens

Homère a dit, sans peut-être bien savoir tout ce qu’il disait :« Les Dieux disposent des destinées humaines et décident la chute des hommes, afin que les générations futures puissent faire des chansons ». Nietzsche cite cela quelque part et le trouve épouvantable : « Y a-t-il quelque chose de plus audacieux, de plus effrayant, quelque chose qui éclaire les destinées humaines, tel un soleil d’hiver, autant que cette pensée ? Donc, nous souffrons et