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les grandes civilisations. Les autres sont les excréments de l’humanité, ou peut-être ils en sont le terreau et, à ce titre, ont leur utilité ; mais pour celui qui vise la civilisation et l’histoire de la civilisation, il n’importe.

En un mot, il ne faut précisément ni aristocratie ni démocratie. La nation idéale est celle où le peuple est aristocrate et où l’aristocratie est démophile.

Ce n’est pas ainsi que Nietzsche a compris les choses. Voilà l’erreur capitale de Nietzsche, erreur qui, comme toutes les siennes, renferme beaucoup de vérité ou est sur le chemin de la vérité, mais qu’encore il importe de redresser.


Et enfin une autre idée générale et essentielle de Nietzsche et par l’examen de laquelle nous terminerons, c’est ce que j’appellerai son idée de dilettantisme. Aussi bien c’est par elle qu’il a commencé et qu’il a fini, et c’est donc par elle qu’on peut clore.

Si Nietzsche est aristocrate, si Nietzsche est immoraliste, si Nietzsche est tout ce qu’il est, c’est qu’il est artiste, c’est que le fond de sa pensée est que l’humanité existe pour créer de la beauté. La philosophie de tout artiste dépend de son esthétique ; celle de Nietzsche en dépend absolument