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Je tiens cette idée pour absolument fausse. Les grandes et belles sociétés humaines ont eu à leur tête, il est vrai, une aristocratie ; mais elles ont eu une caste inférieure qui n’était pas vile du tout et qui était aussi aristocratique et plus aristocratique que leur aristocratie ; et elles étaient aristocrates de la tête aux pieds, ou à peu près ; et si la caste inférieure eût été vile et si la société n’avait pas été aristocratique des pieds à la tête, ces sociétés n’auraient pas été grandes le moins du monde.

Athènes est grande. Elle l’est tant qu’elle est gouvernée par l’aristocratie, je l’accorde ; mais elle n’est gouvernée par l’aristocratie que tant que le peuple est assez aristocrate lui-même pour vouloir être gouverné aristocratiquement et pour s’associer intimement à son aristocratie dans une pensée essentiellement aristocratique. Sans cela, je voudrais bien savoir ce que l’aristocratie aurait pu faire. Elle eût fait des statues. Elle n’eût fait ni des conquêtes, ni l’hégémonie, ni l’arkè. Quand la cité est tombée, c’est quand le peuple n’a plus été aristocrate et a laissé son aristocratie toute seule ; c’est quand il a dit : « être gouverné par Philippe ou par un Athénien de distinction, cela m’est totalement indifférent. » À quoi, à ce moment, la plèbe ne tenait-elle pas ? À son aristocratie, à la constitution aristocratique de la ville d’Athènes. Elle