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haute autorité que parce qu’elle l’a pris par empiétement et usurpé, toujours est-il qu’elle l’a depuis bien longtemps et avec une sorte d’infaillibilité qui a comme passé dans notre nature même. Il n’y a que le mot : « Tu dois être honnête homme » auquel nous ne trouvons pas de réplique ; tandis que « tu dois être un grand homme » nous fait rire sans que nous éprouvions le moindre remords à nous égayer de cela.

Est-ce la science, enfin, l’art ou la politique qui, quelques plaisirs qu’ils nous donnent, et singuliers, nous procurent une jouissance comparable à la volupté sans mélange, absolue, nous faisant sortir de nous-mêmes et nous mettant au-dessus de nous-mêmes, que nous savourons à nous vaincre ? Non sans doute.

L’homme en a donc conclu que la morale était sa souveraine et il en a fait son idole. Il n’a pas eu tort, au fond ; mais, comme toute passion, la passion même de la morale a ses dangers, et à la morale elle-même il faut encore faire sa part, en lui laissant la plus grande et la plus belle ; et c’est ce que Nietzsche a dit, et il ne faudrait que l’approuver très sérieusement s’il n’avait dit que cela.


Ses idées politiques, qui se rattachent très étroitement à ses idées sur la morale, sont très dignes de