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les dirige, comme sont bonnes toutes les forces naturelles ou mécaniques ; 2° qu’elles sont bonnes surtout par l’occasion qu’elles nous offrent de nous battre contre elles pour les discipliner, le plus beau de l’homme étant la volonté ; et c’est du Descartes.

Nietzsche a dit qu’il n’y a pas d’idéal et que cependant il faut lui sacrifier tout, se sacrifier soi-même à la vie plus haute, plus pleine, plus riche, plus… idéale, il faut bien prononcer le mot, qui résume. — Il a dit cela avec vérité ; car pour tout homme qui ne croit pas à une révélation il est d’évidence tautologique qu’il n’y a pas d’idéal ; mais il est presque d’évidence aussi que c’est parce qu’il n’y a pas d’idéal qu’il faut savoir en créer un pour avoir un but, ce qui est à peu près démontré comme nous étant nécessaire.

Et Nietzsche a dit que ce sacrifice lui-même est vain, car on ne peut rien changer aux choses. — S’il a dit cela il a dit une parole sublime ; car il a dit ainsi que l’homme, en se sacrifiant pour un idéal irréalisable, accomplit sa fonction qui est de mépriser les choses et de s’obstiner à les changer alors qu’elles sont immutables et qu’il les sait telles, recueillant pourtant à cela un grand profit, celui de s’être changé lui-même et d’avoir fait ainsi de lui-même un homme, au lieu de la chose qu’il était.