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mettre son amour de soi dans l’amour du tout, ce qui est le vrai moyen de satisfaire royalement, fastueusement, intégralement et jusqu’en son fond même l’amour de soi. Vérité de sens commun et presque de lieu commun.

Nietzsche a dit que la dureté est la loi et que cependant il faut avoir la grande pitié. — Il n’a guère dit cela, et la pitié n’est pas son défaut : mais, s’il l’a dit quelque part, il a entendu certainement que la dureté qui sauve l’espèce est la véritable pitié, la pitié totale et non sottement individuelle. J’ignore du reste s’il l’a dit ; mais cela est dans son sens général.

Nietzsche a dit que la volupté est le mobile de l’instinct vital et que cependant il faut vouloir la douleur. — Il a entendu que l’homme ne peut vouloir que son bien et qu’il a raison de le vouloir, mais qu’il apprend, ou doit apprendre, que le bien, même matériel, ne s’acquiert et ne s’achète que par la douleur acceptée, cherchée même, et que, donc, il faut la vouloir.

Nietzsche a dit que toutes les passions sont bienfaisantes et que cependant il faut savoir les refréner, les soumettre à une discipline sévère. — Il a voulu dire que les passions, formes diverses de notre égoïsme, sont bonnes comme lui ; mais qu’elles sont bonnes : 1° si on les gouverne, si on