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mais il est intelligent, aigu, subtil, disloquant et dissolvant avec maîtrise, reconstructeur avec une certaine audace et une certaine ardeur de conviction violente et sombre qui fait penser et qui est efficace et féconde au moins en cela.

Il est plein de contradictions, que M. Fouillée a très finement relevées, mais qui, et M. Fouillée l’a reconnu lui-même, sont toutes solubles et étaient toutes, plus ou moins précisément, mais toutes, résolues dans l’esprit de Nietzsche. Nietzsche a dit que tout se vaut et il a abouti à une autorité, à une hiérarchie des hommes. — D’abord, il a très rarement dit que tout se valût et son effort a été surtout à établir une nouvelle classification des valeurs ; ensuite, dans l’esprit de

Nietzsche tout se vaut en soi et il n’y a ni bien ni mal ; mais tout est loin de se valoir relativement au but et comme moyens pour le but, qui est humanité plus grande, plus noble et plus belle, ou pour parler en langue de Renan, réalisation du divin.

Nietzsche a dit qu’il n’y a aucune fin et aucun sens aux choses ; et cependant il veut que le Surhomme soit ou se fasse le sens de la terre. — Les choses n’ont en effet aucun sens, mais l’homme qui se surmonte leur en donne un, et elles n’ont aucune fin (ce qui semble élémentairement évi-