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Ces questions de bonne tenue et d’allure préoccupent Nietzsche extrêmement. Il reconnaît, avec raison, l’artiste, l’écrivain de race, par exemple, à ce qu’il sait « trouver la fin », s’arrêter juste où il faut, avec précision, sûreté et grâce (ce que Nietzsche lui-même sait rarement faire) : « Les maîtres de première qualité se reconnaissent en cela, que, pour ce qui est grand, comme pour ce qui est petit, ils savent trouver la fin d’une façon parfaite, que ce soit la fin d’une mélodie ou d’une pensée, que ce soit le cinquième acte d’une tragédie ou d’un acte de gouvernement. Les premiers du second degré s’énervent toujours vers la fin et ne s’inclinent pas vers la mer avec un rythme simple et tranquille, comme par exemple la montagne près de Porto-Fino, là-bas où la baie de Gênes finit de chanter sa mélodie. »

L’allure est affaire de race et d’hérédité autant que de culture, et c’est-à-dire qu’elle est affaire de très longue culture. « Il va des manières de l’esprit par quoi même de grands esprits laissent deviner qu’ils sortent de la populace ou de la demi-populace… Ils ne savent pas marcher… Napoléon ne savait pas marcher dans les cérémonies… On ne manquera pas de rire en regardant ces écrivains qui font bruire autour d’eux les amples vêtements de la période : ils veulent cacher leurs pieds. »