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mand, c’est-à-dire un art de tristesse, de mélancolie, d’attendrissement et de sensibilité apitoyée. Il croyait découvrir un art et une race allègres, joyeux, énergiques, amoureux de la vie et non de la mort, apolliniens dans leurs instants de calme, dionysiaques dans leurs moments d’exaltation, et regardant vers la vie, même quand ils étaient apolliniens, et c’est-à-dire, même quand ils étaient apolliniens, restant dionysiaques encore. Et c’était bien là, à peu près, le contraire du romantisme.

On lui avait enseigné le pessimisme, c’est-à-dire, au fond et en gros, la croyance que la vie est mauvaise ; et il croyait voir un art et une race enivrés de l’amour de la vie, un art et une race profondément optimistes, mieux que cela, un art et une race qui faisaient servir le pessimisme à l’optimisme et qui par conséquent effaçaient l’un et l’autre et surtout les pédantesques et puériles oppositions de l’un contre l’autre, l’antinomie fausse de celui-ci et de celui-là, un art et une race qui, par delà l’optimisme et le pessimisme, rencontraient la vie, et la vie dans toute sa plénitude, à savoir la vie en beauté.

On lui avait enseigné une musique dont il avait été comme enivré, mais que maintenant il jugeait débilitante ; et il croyait voir une race et un art où la musique ne servait qu’à accompagner de vives exaltations du sens de la vie ou à régler des danses