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nant surtout du désir de plaire au peuple qui ne comprend dans l’art que la sensiblerie), le romantisme français a été une affectation de force, d’audace, de mouvement, d’agitation et de fracas. Ce fut l’art agité — très faible au fond — par excellence. Il était une sorte de singerie du premier Empire, ou plutôt il était un prolongement, dans la littérature, de l’activité impériale. L’Empire laissait dans la littérature française, non sa force, mais la trépidation qui suit un arrêt brusque.

Le romantisme allemand, qui a beaucoup moins de rapport que l’on n’a cru avec le romantisme français, c’est proprement l’art blasé et avide de repos et de douceur fade : « Lorsque les Allemands commencèrent à devenir intéressants pour les autres peuples de l’Europe — il n’y a pas si longtemps de cela — ce fut grâce à une culture qu’ils ne possèdent plus aujourd’hui, qu’ils ont secouée avec une ardeur aveugle, comme si ç’avait été une maladie, et pourtant ils ne surent rien mettre de mieux, en place de cela, que la folie politique et nationale. Il est vrai qu’ils ont abouti par là à devenir encore plus intéressants pour les autres peuples qu’ils ne l’étaient autrefois par leur culture. Qu’on leur laisse donc cette satisfaction ! Il est cependant indéniable que cette culture allemande a dupé les Européens et qu’elle n’était digne ni d’être imitée,