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inconsciemment, qui est bien pour Nietzsche]. — De même le style surchargé, en art, est signe de faiblesse ou d’affaiblissement, soit dans un auteur, soit dans une école, soit dans une époque, soit dans une civilisation. L’art simple est toujours l’art à son apogée ; l’art classique est toujours simple : « Le style surchargé dans l’art est la conséquence d’un appauvrissement de la puissance organisatrice, accompagné d’une extrême prodigalité dans les intentions et dans les moyens. Dans les commencements d’un art, on trouve quelquefois précisément l’opposé extrême de ce fait. »

L’art classique, l’art de belle et simple ordonnance ne peut pas naître, en effet, du premier coup. L’art n’est d’abord, ce semble, qu’un exercice de l’intelligence, et ce n’est que peu à peu qu’il en devient un de la sensibilité, puis, peut-être, de la sensibilité unie à l’intelligence, et enfin de l’être tout entier.

On peut émettre sur le processus du sens esthétique les hypothèses suivantes : « Si l’on songe aux germes primitifs du sens artistique et si l’on se demande quelles sont les différentes espèces de plaisir engendrées par les premières manifestations de l’art, par exemple chez les peuplades sauvages, on trouve d’abord le plaisir de comprendre ce que veut dire un autre ; l’art est ici