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capable, il ne serait ni chair ni poisson ; il serait… moderne. »

L’artiste, par conséquent, est aussi impersonnel que possible. Il est aussi, par conséquent, aussi personnel que possible. Au delà de l’art personnel et de l’art impersonnel, il y a l’art vrai. L’artiste est impersonnel en ce sens que sa personnalité volontaire n’entre pas et ne doit pas entrer dans son œuvre et parce que, comme le dit Nietzsche admirablement, « l’auteur doit se taire lorsque son œuvre se met à parler ». Il est personnel précisément parce que, de ce que, si sa personnalité volontaire n’intervient pas, sa personnalité sensible, sa personnalité de tempérament, remplit son œuvre.

L’artiste ainsi doué sera tout naturellement un et simple, très un et très simple. Savez-vous ce que signifient, ce que révèlent les arts mêlés, les arts artificiellement complexes ? L’impuissance de l’artiste et son impuissance consciente, ou, au moins, à demi consciente : « Les genres mêlés dans les arts témoignent de la méfiance que leurs auteurs ont eue à l’égard de leurs propres forces. Ils ont cherché des puissances alliées, des intercesseurs, des couvertures — tel le poète qui appelle à son aide la philosophie, le musicien qui a recours au drame [voilà pour Wagner] et le penseur qui s’allie à la rhétorique [voilà, consciemment ou