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grec, un helléniste qui voudrait être un hellène. L’influence de Gœthe a dû être assez forte ici, comme aussi, un peu, celle de Renan (et je crois bien qu’avec Gœthe et Renan, sans même tenir grand compte de Schopenhauer, on reconstituerait tout le fond de Nietzsche), mais encore on peut dire que Nietzsche est néo-grec, presque de naissance. Il l’a été à vingt ans autant que jamais, plus que jamais et avec plus de fougue indiscrète qu’à aucun moment de sa vie. C’est son fond même. De là sa passion pour le drame de Wagner dans lequel il a cru — avec raison selon moi — retrouver la tragédie grecque. Et de là aussi (sans tenir compte des raisons d’ordre intime, que je conviens qu’il faudrait compter), sa colère, plus tard, contre ce même drame de Wagner, quand il eut cru reconnaître qu’il était la fleur d’automne, maladive et malsaine, du romantisme.

De là sa passion pour toute la littérature française du xviie et du xviiie siècles (ajoutez Montaigne), dans laquelle il croit voir, ce qui peut se soutenir, une héritière des Grecs encore plus que des Romains. De là tout son goût, qui est pour la force très simple, très nette et très claire, pour l’union constante de la simplicité et de la force. L’artiste à la vérité, est pour Nietzsche un « malade », car Nietzsche aime toujours donner d’abord à sa pensée