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ceci est nettement athéistique ; mais il dit aussi avec loyauté et avec finesse : Oui, mais « en somme c’est seulement le Dieu moral qui a été surmonté. Cela a-t-il un sens [ou : n’aurait-il pas un sens] d’imaginer un Dieu par delà le bien et le mal ? Un panthéisme dirigé dans ce sens serait-il [ou : ne serait-il pas] imaginable ? » — Et ailleurs il répond : oui ; oui, ce serait imaginable et aurait un sens : « Écartons la plus grande beauté de l’idée de Dieu. Elle est indigne de Dieu. Écartons de même la plus haute sagesse. Elle est la vanité des philosophes qui ont sur la conscience la folie de ce monstre de sagesse qui serait Dieu : ils prétendent que Dieu leur ressemble autant que possible. Non ! Dieu, la plus haute puissance, cela suffit. De là résulte tout ce qui résulte : le Monde. » — Et il n’y a pas de parole plus théistique, ni même plus religieuse que cette affirmation énergique du Tout-Puissant, jeté en quelque sorte au delà du bien et du mal, au delà de la bonté et de la sagesse, au delà de toutes les contingences, au delà de toutes les choses humaines que la piété à la fois et la vanité et la courte vue de l’humanité ont, peut-être imprudemment, mêlées à l’essence divine.

Il est donc certain que Nietzsche, persuadé que l’homme est un être qui doit se surmonter, a souvent, peut-être toujours, songé à se dépasser lui-