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L’obéissance aveugle à une passion, qu’elle soit généreuse ou pitoyable ou hostile, cela importe peu ; c’est toujours la cause des plus grandes calamités. La grandeur du caractère ne consiste pas à ne point avoir ces passions ; il faut au contraire les posséder au plus haut degré ; mais les tenir en laisse — et cela encore sans que cette contrainte même occasionne une joie particulière, mais simplement… Il faut dominer les passions et non point les affaiblir ou les extirper. — Et plus est grande la maîtrise de la volonté, plus on peut accorder de liberté aux passions. »

Autrement dit, Nietzsche tend simplement à une morale et à une morale, ce semble, parfaitement « universelle », seulement à une morale nouvelle, à une nouvelle évaluation des « valeurs » tant morales qu’autres, ce qui devait être, même chronologiquement, sa préoccupation dernière. De même, il fut très visiblement préoccupé, sinon de reconstituer une religion, du moins de rétablir Dieu. Il me semble que dans ces derniers ouvrages il s’aperçoit qu’il n’a voulu détruire Dieu qu’à cause de la morale et qu’il n’a détruit que le Dieu moral et que par conséquent le Dieu non moral peut encore rester et que rien ne s’oppose à ce qu’il existe. Il dit encore : « Le monde n’est nullement un organisme ; c’est le chaos… » ; mais il dit