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supérieure existent toujours ; voilà ce que je crois. Pour qu’ils se dégagent, se démêlent et émergent, il faut que le nivellement plébéien se soit produit, et c’est alors et c’est à cause de ce nivellement et du dégoût qu’il inspire aux éléments nobles et c’est à cause de la nécessité qui s’impose à ces éléments « de creuser les distances, d’ouvrir un gouffre, de rétablir une hiérarchie », c’est à cause de tout cela que les éléments de la race noble se dégagent, se démêlent et émergent. Ce qui se fait donc, au moment où nous sommes, par ce nivellement dans la bassesse que d’autres peuvent appeler le triomphe du plébéianisme, c’est une « substruction » qui pourra parfaitement servir à l’édification d’une race plus forte. Loin donc qu’il faille déplorer le plébéianisme actuel et son aplatissement progressif, il est assez raisonnable de s’en féliciter et peut-être faudrait-il l’accélérer. « Le nivellement de l’homme européen est le grand processus que l’on ne saurait entraver : on devrait le hâter encore… Le seul but, même, que l’on doive considérer d’ici longtemps, c’est l’amoindrissement de l’homme ; car il faut d’abord créer un large fondement sur lequel pourra s’édifier l’espèce des hommes forts. »

Cette espèce, à un moment donné, se constituera d’elle-même. Elle s’isolera par dégoût, elle se