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tenses de l’égoïsme vrai, substitué à l’égoïsme vulgaire et apparent ; les plaisirs aigus et profonds de l’affirmation, de l’expansion, de l’extension et de la tension violente du moi. « Vous ménagez trop, vous cédez trop. — C’est de cela qu’est fait le sol où vous croissez. Mais pour qu’un arbre devienne grand, il doit pousser de dures racines autour de durs rochers… Hélas ! que ne comprenez-vous ma parole ? Faites toujours ce que vous voudrez ; mais d’abord sachez vouloir, soyez de ceux qui peuvent vouloir. Aimez toujours votre prochain comme vous-même ; mais soyez d’abord de ceux qui s’aiment eux-mêmes, qui s’aiment avec le grand amour et avec le grand mépris. Ainsi parle Zarathoustra, l’impie. » — Et remarquez : c’est un peu étonnant au premier abord, mais c’est tout naturel quand on y réfléchit un instant, de ces hommes que nous réclamons, le Christianisme, cette morale des esclaves, a donné précisément les modèles et tracé la règle, pour cette raison bien simple que le Christianisme à son tour, à un moment donné, s’est trouvé être, en la personne collective de son Église, une aristocratie aussi, qui sentait le besoin de devenir et de rester une race supérieure. Aussi, comme les directeurs du Christianisme, l’espèce supérieure fera très bien de mettre en usage des pratiques d’un caractère ecclé-