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les natures vulgaires et d’évaluer la règle d’une façon équitable ? Et ainsi ils parlent, eux aussi, de la folie, de l’impropriété, de l’esprit fantasque de l’humanité, pleins d’étonnement sur la frénésie d’un monde qui ne veut pas reconnaître ce qui serait pour lui « la seule chose nécessaire ». — C’est là l’éternelle folie des hommes nobles. »

Et par conséquent, il faut laisser à chacun sa façon de sentir, son appréciation des valeurs, sa règle de vie, sa « morale ». Il ne faut pas que personne empiète, ou veuille empiéter, ce qui serait une pensée vaine et un dessein irréalisable et un effort inutile. Il ne faut pas que l’une des deux parties de l’humanité veuille essayer de convertir l’autre, ni celle d’en bas celle d’en haut, ni celle d’en haut celle d’en bas. Laissons sa morale au peuple et ayons la nôtre. Quelle ? Celle que j’ai cent fois dite ; mais précisons encore.

La race supérieure devra pratiquer cet égoïsme supérieur que nous avons indiqué comme étant sa nature, le fond de sa complexion, et son but et sa mission même. Elle devra être dure pour elle-même, comme pour les autres, mais particulièrement pour elle-même, sans pitié pour elle-même, comme pour les autres, mais beaucoup plus pour elle-même que pour les autres, (« Soyez durs », dit sans cesse Zarathoustra à ses disciples) solidariste et