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savoir ce qu’ils veulent et où ils tendent, et se reconnaître et communiquer entre eux sur les moyens d’arriver à leur but, puisque vous leur en donnez un, c’est à savoir la force, la grandeur et la beauté du genre humain. Et vous voilà bien aux deux morales, celle des petits, celle des grands. » — J’accepte très bien cette conclusion ou plutôt simplement cette façon de poser les choses. Oui, dans mon idée, il y a une morale pour les petits et quelque chose pour les grands, qui est très immoral, mais qu’on peut appeler une morale, si l’on y tient. Aux médiocres la morale traditionnelle, que je n’ai plus besoin de définir ni de décrire, puisque c’est ce que j’ai fait jusqu’ici, en l’attaquant. Aux hommes de l’espèce supérieure une morale particulière que je ne fais aucune difficulté de décrire en ses grandes lignes. Voici la morale des supérieurs et la morale des médiocres opposées l’une à l’autre : la morale des maîtres et la morale des esclaves.

« Au cours d’une excursion entreprise à travers les morales délicates ou grossières qui ont régné dans le monde ou qui y règnent encore, j’ai trouvé certains traits se représentant régulièrement en même temps et liés les uns aux autres ; tant qu’à la fin j’ai deviné deux types fondamentaux et une distinction fondamentale. Il y a une morale de