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les peuples et qui suspendirent au-dessus d’eux une foi et un amour. Ainsi, ils servaient la vie. Mais ce sont des destructeurs, ceux qui tendent des pièges au grand nombre et qui appellent cela un État : ils suspendent au-dessus d’eux un glaive et cent appétits. Partout où il y a encore un peuple, il ne comprend pas l’État, et il le déteste comme le mauvais œil et comme une dérogation aux coutumes et aux lois [de l’humanité]. L’État ment par toutes ses langues du bien et du mal, et, dans tout ce qu’il dit, il ment, et tout ce qu’il a, il l’a volé. Tout en lui est faux ; il mord avec des dents volées, le hargneux ; feintes sont même ses entrailles… Oui, c’est l’invention d’une mort pour le grand nombre, une mort qui se vante d’être la vie, une servitude selon le cœur de tous les prédicateurs de la mort. L’État est partout où tous absorbent les poisons, l’État, où tous se perdent, les bons et les mauvais, l’État où le lent suicide de tous s’appelle la vie… Leur idole sent mauvais et ils sentent tous mauvais, ces idolâtres. Mes frères, voulez-vous donc étouffer dans l’exhalaison de leurs gueules et de leurs appétits ? Cassez plutôt les vitres et sautez dehors… Maintenant encore les grandes âmes peuvent trouver devant elles l’existence libre. Il reste bien des endroits pour ceux qui sont solitaires ou à deux, des endroits où souffle l’odeur