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privées et qui n’a aucune vertu d’État, une transformation de la force générale en faiblesse générale.

La plèbe, en son ascension vers ce but, procède de la façon suivante : « Les opprimés, les inférieurs, toute la grande masse des esclaves et des demi-esclaves veulent arriver à la puissance. Premier degré : ils se libèrent, ils se dégagent, en imagination d’abord, ils se reconnaissent les uns les autres, ils s’imposent. Deuxième degré : ils entrent en lutte, ils veulent être reconnus : droits égaux, « justice ». Troisième degré : ils exigent des privilèges ; ils entraînent les représentants de la puissance de leur côté. Quatrième degré : ils veulent le pouvoir pour eux seuls et ils l’ont. » — Et ils arrivent ainsi à faire un État qui est celui dont nous donnions tout à l’heure le tableau.

Cet État, qu’il faut qu’on adore, cet État qui est « la nouvelle idole », est factice, mensonger et mortel. « Il y a quelque part encore des peuples ; mais ce n’est pas chez nous, mes frères. Chez nous il y a des États. État ? Qu’est-ce que c’est que cela ? Allons ? Ouvrez les oreilles. Je vais vous parler de la mort des peuples. L’État c’est le plus froid de tous les monstres froids : il ment froidement, et voici le mensonge qui sort en rampant de sa bouche : « moi, l’État, je suis le peuple ». C’est un mensonge ! Ils étaient des créateurs, ceux qui créèrent