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des responsabilités, du commandement, de l’exécution. » C’est cela qui introduit ou qui aide à s’introduire la « vertu, le devoir, l’amour de la patrie et du souverain », et c’est cela qui « maintient la fierté, la sévérité, la force, la haine, la vengeance, bref tous ces traits typiques qui répugnent à l’être de troupeau. »

Il faut donc le savoir et savoir le dire, « l’État c’est l’immoralité organisée : à l’intérieur sous forme de police [à vous, comme individu, l’inquisition et la délation sont, sans doute, odieuses], de droit pénal [vous ne vous reconnaissez pas individuellement le droit de punir], etc. ; — à l’extérieur comme volonté de puissance, de guerre, de conquête et de vengeance. »

Or, de cet état qui est l’immoralité ou, si vous voulez, l’immoralisme organisé, le plébéianisme, qu’est-ce qu’il en fait ? Précisément, il transporte à l’État les vertus de l’homme privé, il veut mettre dans l’État les vertus de l’homme privé et il est absolument convaincu que les « vertus » d’homme privé doivent être des vertus d’État. Autrement dit, il tue l’État. Il veut que l’État soit un brave homme pacifique, doux, timide, bienfaisant faible. Il vêtit que l’État ne fasse pas la guerre ; il veut que l’État, non seulement n’attaque point, mais se défende le moins possible ; il veut que l’État tende l’autre