Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tat de l’intelligence de l’homme privé ; les sociétés ne sont pas altruistes les unes à l’égard des autres. Le commandement de l’amour du prochain n’a été encore élargi par personne en commandement de l’amour du voisin. Il faut au contraire considérer comme vrai ce qui se trouve dans les lois de Manon. » — Entre parenthèses c’est pour cela que l’étude des sociétés, par la considération de ce qu’elles sont dans le temps présent ou par les recherches historiques, est si utile pour la connaissance de l’homme et le fait connaître au vrai ; en effet, « toutes les communautés, toutes les sociétés, parce qu’elles sont cent fois plus sincères, sont cent fois plus instructives au sujet de la nature de l’homme que l’individu, trop faible pour avoir le courage de ses désirs… L’étude de la société est si précieuse par ce que l’homme est beaucoup plus naïf en tant que société, que l’homme en tant qu’individu. La société n’a jamais considéré la vertu autrement que comme moyen pour arriver à la force, à la puissance, à l’ordre. »

Mais quel est le mécanisme de cette transformation singulière ? Comment l’homme, en tant que membre d’une communauté, est-il si différent de l’homme en tant qu’individu ? « Comment se fait-il qu’un grand nombre puisse faire des choses à quoi l’individu ne se déciderait jamais ? Par la division