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était le véritable fils de son siècle… Lui aussi avait été mordu par cette tarentule morale qu’était Rousseau, lui aussi sentait peser sur son âme ce fanatisme moral dont un autre disciple de Rousseau se croyait et se proclamait l’exécuteur, je veux dire Robespierre qui voulait (discours du 7 juin 1794) fonder sur la terre l’empire de la sagesse, de la justice et de la vertu. »

Cette lignée est continuée de nos jours par les véritables héritiers de la Révolution française, et les seuls logiques, les socialistes de toutes nuances, « la race la plus honnête et la plus stupide qui soit au monde », qui veulent simplement, et avec combien de raison si l’on accepte le principe révolutionnaire, que l’égalité soit réelle, qu’il n’y ait d’aucune façon, ni par richesse, ni par titres, ni par honneurs, ni par instruction plus complète, ni par culture plus forte, d’espèce supérieure ; qui veulent supprimer toute exception ; qui veulent que le règne de l’égalité, de la justice et de la concorde soit fondé sur la terre, « règne qui serait, en tous les cas imaginables, celui de la médiocrité et quelque chose comme l’empire de la Chine ». En admirant comme ils l’ont tant fait les Chinois, les philosophes du xviiie siècle semblent avoir compris ce qu’ils disaient et avoir vu distinctement où conduisaient les théories qui leur étaient chères.