Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

être tout le contraire ; mais on ne sait pas. Il faut mettre à part Jésus dont, tout compte fait, on ne sait rien.

Mais le Christianisme, tel qu’il a été fait par saint Paul et ses disciples, a été le plus grand mouvement moral et plébéien de toute l’histoire connue ; ç’a été, en vérité, l’avènement même du plébéianisme comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire. « Au fond il s’agissait de faire arriver[1] une certaine catégorie d’âmes. C’était une insurrection populaire au milieu », d’abord « d’un peuple sacerdotal », ensuite de peuples restés aristocratiques quoique ayant déjà des tendances plébéiennes et par cela même tout prêts à recevoir la nouvelle. C’était un mouvement piétiste venant des gens d’en bas, pêcheurs, péagers, femmes, malades, puis tourbe plébéienne d’Antioche, de Corinthe, de Rome, des villes africaines, de toutes les capitales, de toutes les grandes villes.

Longue abstention des paysans. Remarquez cela. Les paysans sont les derniers païens (pagani), non pas seulement parce que les nouvelles leur arrivent moins vite et qu’ils sont les arriérés de tous les temps ; mais parce que l’esprit de soumission à l’exception est primitif, et l’esprit d’égalité, c’est-à-

  1. Soulignée par Nietzsche.