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et de cœur qui est estimée, c’est la timidité et la régularité des mœurs ; ce n’est plus l’éclat, le luxe beau, la splendeur artistique et patricienne qui est regardée avec admiration, c’est la propriété décente et la vie étroite et économique du petit bourgeois, quelquefois l’abstinence et l’ascétisme inutile du stoïcien, du cynique ou du cénobite ; ce n’est plus le génie qui est admiré et, au contraire, il est considéré comme dangereux et comme insolent ; c’est la médiocrité d’esprit, d’âme, de caractères et de mœurs qui est tenue pour la règle à suivre, pour l’idéal à réaliser et pour un niveau social que personne ne doit dépasser sous peine d’ostracisme ou de mort. C’est quand le monde gréco-romain était déjà sur cette pente que le Christianisme a paru.

Il faut mettre à part Jésus, dont on ne sait que peu de choses et qui semble, à essayer de le voir à travers les contradictions de doctrines et de tendances des Évangiles, avoir été beaucoup plus un aristocrate mystique qu’un plébéien ; car l’idée de justice lui est insupportable, et l’idée de justice est la pierre de touche en ces matières. Il est parfaitement possible que, comme Aristophane a pris Socrate pour un sophiste, les pharisiens aient pris Jésus pour un plébéien, pour le dernier des prophètes, pour un démagogue, alors qu’il était peut-