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toutes les récréations humaines à la morale comme à leur dernière lin et les admettre, justifiés par cette fin et sanctifiés par cette fin, si en effet ils y tendent, et les proscrire et flétrir s’il est prouvé ou évident, ou probable, qu’ils n’y tendent point ou qu’ils ne peuvent y aboutir ; voilà bien tout le socratisme : « Le trait commun dans l’histoire de la morale depuis Socrate, c’est la tentative faite pour amener les valeurs morales à la domination sur toutes les autres valeurs ; de façon qu’elles soient non seulement les juges et les guides de la vie, mais encore les guides et les juges : 1° de la connaissance ; 2° des arts ; 3° des aspirations politiques et sociales. Devenir meilleur est considéré comme seule tâche ; tout le reste n’est que moyen vers ce but — ou perturbation, entrave, danger ; et doit par conséquent être combattu jusqu’à la destruction. (Il y a un mouvement semblable en Chine ; il y en a un aussi aux Indes.) »

Quelles sont les raisons de ce mouvement d’esprit : 1° l’instinct du troupeau dirigé contre les forts et les indépendants ; 2° l’instinct du déshérité et du souffrant dirigé contre les heureux ; 3° l’instinct du médiocre dirigé contre les exceptions. — Dès que l’un seulement de ces instincts prend une certaine force dans une race d’hommes, il renverse l’ordre des valeurs. Ce n’est plus la force de corps