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culière : égalitaire, car devant la grandeur divine toutes les grandeurs humaines sont égales, n’étant rien, et le péché du fort et du riche est aussi grave, comme offense à Dieu, que tout autre ; ecclésiastique, car, s’il y a des confidents et des interprètes de la pensée divine, ils seront juges des péchés et en demanderont compte au riche comme au pauvre, au fort comme au faible ; morale, enfin ; car ici il ne s’agit pas de patrie à défendre, de cité à servir, de volonté de puissance à aider et à soutenir, etc. ; il s’agit d’un code dressé par un dieu, imposé aux hommes dans l’intérêt de ce dieu, pour la gloire de ce dieu et qui commande impérativement, sans donner ses raisons, et à qui il faut obéir parce qu’il commande et pour cela seul. L’impératif catégorique est né.

Voilà la morale, ici toute religieuse ; ailleurs elle aura une autre forme et prendra d’autres chemins pour arriver ; mais voilà la morale, telle que nous, modernes, nous la connaissons, la voilà en ses principaux traits : « Origine du péché. — Le péché, tel qu’on le considère aujourd’hui, partout où le Christianisme règne ou a jamais régné, le péché est un sentiment juif et une invention juive, et, par rapport à cet arrière-plan de toute moralité chrétienne, le Christianisme a en effet cherché à judaïser le monde entier. On sent, de la façon la