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qu’il a fallu qu’à côté d’elle, en dehors d’elle et un peu contre elle, ce que, parfois, elle leur a bien montré, des philosophes inventassent et créassent une morale comme de toutes pièces. Rien ne montre mieux que la morale était primitivement très étrangère à ces peuples, patriotes, religieux par patriotisme, ou plutôt ayant la religion de la patrie, mais aristocrates et, par conséquent, immoralistes, qui sont ce que l’antiquité et même toute l’histoire a produit de plus grand et qui ont jeté tant d’éclat sur la planète que nous habitons.

Mais voici, là-bas, plus loin, entre le monde de la Méditerranée et le monde oriental, un petit peuple, d’autre race, qui, sans doute, lui aussi, est patriote ; qui, lui aussi, a un dieu national, un dieu local, un dieu en quelque sorte provincial ; mais qui n’est pas aristocrate, qui est plébéien tout entier et qui a une morale toute particulière qui étonnerait bien un Romain ou un Grec. Ce petit peuple a inventé le péché. Entendez que le péché, ce n’est pas un acte nuisible à un concitoyen et par suite un acte contre la cité. Le péché c’est un acte contre Dieu, c’est une chose qui déplaît à Dieu et qui ne peut être effacée que par le repentir, la demande de pardon, la demande de grâce et la contrition et l’humiliation devant la majesté divine offensée. — Ceci est une conception toute parti-