Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autorité d’un précepte divin et la majesté d’un dogme céleste. Ou encore ces deux idées, ces deux sentiments confus, le social et le religieux, se développent ensemble, sans qu’on puisse bien distinguer lequel est générateur de l’autre, et se prêtent un concours réciproque et un mutuel appui, et rivalisent à supprimer l’espèce supérieure et à la noyer et dissoudre dans la plèbe.

L’espèce inférieure, encore, invente l’idée de la pluralité, l’idée du droit de la pluralité : ce qu’il faut faire, c’est ce qui convient au plus grand nombre ; il n’y a qu’à se compter. Ceci c’est la confusion, ridicule si elle est involontaire, odieuse si elle est voulue, du qualificatif et du quantitatif. S’agit-il de se compter ou de se peser ? Le général est un et l’armée cent mille. Est-ce celui qui est un qui doit obéir à ceux qui sont cent mille ? À préférer la quantité à la qualité, il est incontestable que c’est le général qui doit obéir, ou plutôt qui ne doit pas exister.

Telles sont les principales ruses, inconscientes ou conscientes, de l’espèce inférieure contre l’espèce supérieure.

Notons qu’il arrive aussi, et ce n’est pas le moindre facteur de cette évolution, que « l’espèce supérieure » s’abandonne et finit par « faire défaut ». — « L’espèce supérieure fait défaut, c’est à