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force. Rien que la réalité, mais nullement toute la réalité. Bien plutôt une réalité choisie. » — On trouverait une théorie à peu près complète de l’art classique, et particulièrement de l’art classique français, éparse dans les œuvres de Nietzsche. Il est sûr au moins que le clair, le précis, l’ordonné et le choisi furent pour lui une sorte de révélation ravissante. Il se jura évidemment de sacrifier à ces nouvelles idoles ou plutôt de considérer comme des idoles tout ce qui n’était pas ces dieux-là.

La France le mena-t-elle à la Grèce ou la Grèce le ramena-t-elle plus tard à la France ? Le passage suivant, très important, peut appuyer l’une ou l’autre de ces deux hypothèses, ou celle-ci encore qu’il étudia les Grecs et les Français en même temps : « Quand on lit Montaigne, La Rochefoucauld, Fontenelle et particulièrement ses Dialogues des morts, Vauvenargues, Chamfort, on est plus près de l’antiquité qu’avec n’importe quel groupe de six auteurs d’un autre peuple. Par ces six écrivains l’esprit des derniers siècles de l’ère ancienne a revécu à nouveau. Réunis, ils forment un chaînon important dans la grande chaîne continue de la Renaissance. Leurs livres s’élèvent au-dessus du changement dans le goût national et des nuances philosophiques où chaque livre croit devoir scin-