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les incurables contempteurs de soi qui sont en même temps les incurables vaniteux. Il ne faudrait pas qu’on me comprît mal : il arrive quelquefois que de ces ennemis nés de l’esprit, se développent ces rares exemplaires de l’humanité que le peuple vénère sous le nom de saints et de sages ; c’est de tels hommes que sortent ces monstres de morale qui font du bruit, qui font de l’histoire — saint Augustin est du nombre. — La crainte de l’esprit, la vengeance sur l’esprit, hélas ! combien souvent ces vices, qui ont une véritable puissance dynamique, n’ont-ils pas donné naissance à la vertu ! Oui, à la vertu ! — Et, entre nous, la prétention des philosophes à la sagesse, cette prétention, la plus folle et la plus immodeste, qui a été soulevée çà et là sur la terre, ne fut-elle pas toujours jusqu’à présent, aux Indes, comme en Grèce, avant tout une cachette ? Parfois, peut-être, s’est-on placé au point de vue de l’éducation, ce point de vue qui sanctifie tant de mensonges, et a-t-on voulu avoir de tendres égards avec des êtres qui se développent et qui croissent, avec des disciples, qu’il faut souvent par la foi en la personne qui enseigne, par une erreur, défendre contre eux-mêmes. Mais, le plus souvent, la sagesse est une cachette de philosophe, derrière laquelle il se réfugie à cause de son âge, de sa fatigue, de son