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pas eu de cesse qu’elle ne fit disparaître cette injustice et cette « immoralité » et qu’elle n’adoucît, intimidât, dévirilisât la race supérieure par le mélange des sangs.

Dans d’autres pays, où les mêmes, se sentant le nombre et sachant que, s’il y a union, le nombre est une force, la plèbe a pesé sur l’élite par son poids même et organisant la grève agricole, la grève industrielle, ou la grève militaire, profitant des insuccès de la race supérieure, etc., elle est entrée dans la cité et le gouvernement de la cité et a comme noyé en elle la race supérieure ; et c’en a été fait de la cité conquérante, civilisante, artistique, ascendante, de la cité honorant l’humanité et la conduisant vers des destinées brillantes.

Enfin, et un peu partout, le peuple a inventé la morale, c’est-à-dire qu’il a soumis la race supérieure à ses idées à lui, en trouvant le moyen de les donner, de les imposer, de les faire paraître comme bonnes, comme saines, comme justes, comme obligatoires, comme divines, et comme telles que l’on est méprisable si on ne les a pas. Cela, ç’a été un tour de force et un tour d’adresse incroyables, miraculeux, véritablement dignes d’admiration en même temps que de stupeur. Il ne faut pas s’étonner qu’il ait mis un très longtemps à réussir, tant il est comme fabuleux ; mais enfin il a réussi. La