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chansons sottes, travailler le moins possible, point du tout s’il se peut ; et mourir très tard. Il a son art à lui, en tout temps le même, qui est très caractéristique de ses mœurs. C’est un art sans imagination et sans lyrisme, sans sublimité, même apparente, ou même intentionnelle ; c’est un art fait de sensiblerie timide, plaintive et fade, un art de romances ou de peinture de genre attendrissante ; c’est un art tout élégiaque, ou si vous voulez tout gemütlich. Et, d’autre part, c’est un art grossement comique, fait de lourdes plaisanteries et de railleries contondantes. Rien, dans cet art populaire de tous les temps, qui pousse à l’action, à l’entreprise, à la vie énergique, laborieuse, rude, forte et belle. Le peuple de tous les temps est un « troupeau » d’êtres timides et nonchalants.

Or, le peuple, sentant au-dessus de lui, soit une race conquérante qui n’était pas la sienne et qui avait des instincts énergiques et une aspiration vers le grand et le beau ; soit une race sortie de lui, mais qui avait, par auto-sélection, puis hérédité, ces mêmes instincts, a pris, très tardivement, mais a fini par prendre, des mesures pour museler et énerver cette race supérieure.

Mesures de divers ordres. Dans certains pays la race supérieure, très sagement, s’était interdit de s’unir par mariage avec les plébéiens ; la plèbe n’a