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grossière : soyez égoïstes et livrez-vous à vos passions ; soyez égoïstes, non seulement sans le moindre scrupule, mais avec entrain, avec allégresse et avec enthousiasme ; et livrez-vous à vos passions de tout votre courage ? Elle n’a — vous n’en doutez pas — qu’un égoïsme obtus et que des passions basses, dont le déploiement — vous le savez bien — non seulement n’aura rien de fort, ni de beau, ni d’apollinien ni de dionysiaque ; mais encore lui sera abominablement funeste et certainement la mènerait tout simplement à la mort en peu de temps. — Que faites-vous donc de votre règle de vie ? Comment vous tirez-vous de cette difficulté ? Quo vadis ? ou, simplement, quid ?

Nietzsche a très bien senti cette objection si naturelle et si inévitable ; il l’a sentie non seulement à un moment précis de l’évolution de sa pensée, comme je le supposais tout à l’heure pour la commodité et la clarté de l’exposition ; mais il l’a sentie pendant toute sa vie intellectuelle, ou à peu près, comme cela se voit à la lecture de presque tous ses ouvrages ; il y a été comme poussé par son propre mouvement même et acculé. Mais il n’en a pas été ému ; il ne l’a pas évitée ou tournée. Il a foncé droit sur elle et il l’a détruite, en l’acceptant tout entière.

Il a répondu : Eh bien ! Oui ! ma règle de vie