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déplaisir étaient si solidement liés l’un à l’autre que celui qui voudrait goûter de l’un autant qu’il est possible, que celui qui voudrait apprendre à jubiler jusqu’au ciel devrait aussi se préparer à être triste jusqu’à la mort ? (Himmeloch jauchzend. Zum Tode betruebt » — Chanson de Claire dans l’Egmont de Gœthe.) Et il en est peut-être ainsi ! Les stoïciens, du moins, le croyaient, et ils étaient conséquents, quand ils demandaient le moins de plaisir possible pour que la vie leur causât le moins de déplaisir possible. — Lorsque l’on prononce la sentence : « Le vertueux est le plus heureux », en même temps l’on présente l’enseigne aux masses et l’on donne une subtilité casuistique pour les gens plus subtils. Aujourd’hui, encore, vous avez le choix : soit aussi peu de plaisir que possible, bref l’absence de douleur (et, en somme, les socialistes de tous les partis ne devraient, honnêtement, pas promettre davantage à leurs partisans), soit autant de déplaisir que possible, comme prix pour l’augmentation d’une foule de jouissances et de plaisirs, subtils et rarement goûtés jusqu’ici ! Si vous vous décidez pour la première alternative, si vous voulez diminuer et amoindrir la souffrance des hommes, eh bien ! il vous faudra diminuer aussi et amoindrir la capacité de joie. Il est certain qu’avec la science