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dies. Elles sont des manifestations de la vie. Elles sont des fougues, elles sont des ébullitions, elles sont des fièvres, si l’on veut, elles ne sont point des maladies. Qu’il y ait une règle des passions, comme il y a une règle du jeu, une règle des divertissements, une règle des voyages, une règle de la marche, de la course et de la danse, c’est-à-dire une disposition et une économie judicieuses destinées à tirer le plus grand plaisir possible de ces différentes choses, on le veut bien et ceci est très acceptable et même évident ; mais les passions en elles-mêmes sont des choses saines, comme savait déjà le dire Descartes, et si elles sont des manifestations de l’égoïsme, c’est qu’elles sont des manifestations de la vie, l’égoïsme étant la vie même.

Ce qui fait que des hommes sincères ont médit, et non sans raison et non sans bon sens, du moins dans ce cas, des passions humaines, c’est que très souvent les passions auxquelles se livrent les hommes ne sont pas des passions, mais des imitations de passions, des singeries de passions. « Que d’hommes, dit La Rochefoucauld, n’auraient jamais été amoureux s’ils n’avaient pas entendu parler de l’amour ! » Rien n’est plus vrai, et de faux amoureux, de faux jaloux, de faux ambitieux, de faux autoritaires, de faux sectaires, de faux hommes de parti, de faux hommes à convic-