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touchant »… Vous êtes laids ? Eh bien, mes frères, enveloppez-vous de sublime. C’est le manteau de la laideur… Que votre amour de la vie soit l’amour de vos plus hautes espérances ; et que votre plus haute espérance soit la plus haute pensée de la vie. Votre plus haute pensée, permettez que je vous la commande, la voici : L’homme est quelque chose qui doit être surmonté. Ainsi, vivez votre vie d’obéissance et de guerre ! Qu’importe la vie longue ! Quel guerrier veut être ménagé ? Je ne vous ménage point et je vous aime de tout mon cœur, mes frères en la guerre. — Ainsi parlait Zarathoustra. »

Mais l’égoïsme dévastateur s’est toujours appelé le mal pour deux raisons assez raisonnables, dont la première est que cet égoïsme dévastateur, de quoi qu’il soit mêlé, est avant tout de la méchanceté ; et dont la seconde est qu’il commence au moins par entasser les désastres et par faire souffrir abominablement les hommes. Si cela n’est pas le mal, qu’est-ce que le mal ? — Si cela est le mal, je serais assez tenté de crier : Vive le mal ! comme Proudhon criait : Vive Satan ! car ce mal est singulièrement bienfaisant et je ne vois en somme que lui qui soit bienfaisant. Si vous n’avez pas observé que la civilisation pacifique endort les peuples et devient, peu à peu, comme un bouillon