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quiétude où l’on ne souhaite rien et où l’on ne puisse souhaiter rien, ce n’est vraiment pas cela que l’homme désire et il se trompe sur lui-même quand il croit le désirer. Il le croit, assurément, et Pascal a très bien dit : « Il tend au repos par l’agitation » ; mais il faut bien entendre que Pascal veut dire : « Il tend au repos par l’agitation, et cela indéfiniment. » Donc, en dernière analyse, c’est l’agitation qui est son besoin. Il s’agite pour s’accroître, en croyant peut-être qu’à un certain degré d’accroissement il se reposera dans la grandeur acquise et la conquête faite ; mais, abstraction faite de ceci, qui n’est qu’une illusion, il s’agite pour s’accroître et son seul vrai besoin est l’agitation pour la puissance.

Et aussi bien, subconsciemment, il le sait. Quand il se dit qu’il se reposera quand il aura atteint tel but et qu’il jouira d’un « repos bien gagné », il ne le croit qu’à moitié et il se moque un peu de lui-même, et, en lui-même, derrière celui qui dit cela il y a quelqu’un qui rit sous cape. Et c’est précisément pour cela que la plupart des hommes actifs se fixent un but, à la vérité, après lequel il est entendu qu’ils se reposeront, mais prennent la précaution de le fixer si loin que jamais ils ne doivent l’atteindre. Ce qu’ils craignent plus que tout, c’est, le lendemain de la tâche finie,