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du renoncement ! Foin de ces airs d’humilité ! Bien mieux et au contraire, c’est là notre vérité. Si la science n’était pas liée à la joie de la connaissance, à l’utilité de la connaissance, que nous importerait la science ? Si un peu de foi, d’amour et d’espérance ne conduisait pas notre âme à la connaissance, que serait-ce qui nous attirerait vers la science ? Et, bien que dans la science le moi ne signifie rien, il n’en est pas moins vrai que le moi inventif et heureux et même, déjà, tout moi loyal et appliqué, importe beaucoup dans la république des hommes de science. L’estime de ceux qui confèrent l’estime, la joie de ceux à qui nous voulons du bien ou de ceux que nous vénérons, dans certains cas la gloire et une immortalité relative de la personne, c’est là le prix qu’on peut attendre pour cet abandon de la personnalité : sans parler ici de résultats et de récompenses moindres, bien que ce soit justement à cause de ceux-ci que la plupart des hommes ont juré fidélité aux lois de cette république et en général à la science, et qu’ils continuent toujours à y demeurer attachés. Si nous n’étions restés, en une certaine mesure, des hommes non scientifiques, quelle importance pourrions-nous encore attacher à la science ? Somme toute, et pour donner à mon axiome toute sa généralité : pour un être purement connaisseur, la connaissance