Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

point ! » aurait poussé les chrétiens à l’impiété. Dans l’axiome chrétien ora et labora, l’ora remplace le plaisir. Et que seraient devenus, sans ora, ces malheureux qui se refusaient le labora, les saints ? Mais s’entretenir avec Dieu, lui demander mille choses agréables, s’amuser un peu soi-même en s’apercevant que l’on pouvait encore avoir des désirs, malgré un père si parfait ; c’était là pour des saints une excellente invention. » — Et si cela parait un peu raffiné, disons que dans le Christianisme il reste toujours, comme l’a bien montré Comte, un résidu de paganisme et que la prière, si gênante pour le philosophe chrétien et pour le chrétien qui est philosophe (voir Malebranche) est un des restes, des très nombreux restes que le paganisme a laissés dans son successeur, peut-être avec la sourde intention de l’empoisonner. Ce qu’il y a de certain, c’est que le chrétien prie son Dieu quelquefois comme un chrétien, souvent, plus souvent, le plus souvent, comme un amoureux prie celle qu’il aime.

L’analogie pourrait se poursuivre. Elle doit se poursuivre. De même qu’il n’y a pas d’amour sans jalousie, de même le croyant, le pieux, le fervent, n’admet pas ou admet très difficilement qu’un autre que lui ait part aux faveurs de son Dieu. De là les guerres religieuses, aussi atroces que les