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très bon en lui-même, excellent en soi. Ce qu’il faut c’est combattre tous les déguisements de l’égoïsme, les faire rougir d’eux, les montrer sots, ridicules, odieux, funestes ; et puis, après en avoir ainsi détourné les hommes, ramener les hommes à l’égoïsme tout pur, lequel est bon, et habituer les hommes à rougir de tous les déguisements de l’égoïsme et à ne point rougir de l’égoïsme lui-même. En d’autres termes, l’égoïsme, pour se faire accepter, s’est mis par le monde à jouer toutes sortes de rôles, que du reste il joue mal, et à travers lesquels le critique dramatique le reconnaît pleinement ; il faut lui persuader qu’il est plus beau en son naturel, qu’il est plus respectable en son naturel, qu’il est plus fécond en son naturel et qu’il est plus utile en son naturel ; que l’humanité a besoin de lui, mais de lui à l’état pur, non pas sous les travestissements qu’il recherche et dans les mélanges qu’il opère de lui avec autre chose et dans les combinaisons bizarres et malsaines où il se plaît à entrer.

Voyez-les, ces combinaisons. On les appelle vertus, le plus souvent. Qu’est-ce que la modération ? Une prudence qui n’est pas autre chose que de la lâcheté, c’est-à-dire l’égoïsme le plus bas, mêlée peut-être d’un peu de souci de ne pas heurter, froisser, gêner ses semblables. D’abord, ce n’est