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ques-uns l’estiment, non pas mystique, comme c’est l’avis de quelques-uns, non pas moral, comme c’est une opinion répandue, non pas anti-naturel, comme quelques-uns s’obstinent à le prétendre ; mais fort et beau, et fait pour créer de la force et de la beauté, et de la beauté sous quoi l’on sente toujours une manifestation de la force, et de la force toujours soumise aux lois mystérieuses, mais senties par lui, de la beauté éternelle. Voilà la foi de Nietzsche. Il n’est pas sceptique. Il ne l’est — car ce sont les deux manières essentielles de l’être — ni par ne pas croire, ni par ne pas vouloir ; ni par ne croire à rien, ni par s’abandonner, se relâcher, laisser tomber ses bras et s’abstenir. Eh bien, cette foi, il veut la répandre, et l’objet de cette loi, il veut le réaliser.

Il veut, et c’est tout dire en un mot, créer une humanité affranchie, et rendue à sa vraie nature ; une humanité affranchie de la morale, de la religion, de la superstition à la science et de la superstition à la raison ; rendue aux instincts forts et aux passions fortes qui ont fait la grandeur et la beauté de l’humanité en sa jeunesse verte et fleurissante. L’éloge des passions, c’est tout Nietzsche affirmatif. Les passions sont bonnes. Quelle est leur racine commune ? L’égoïsme. L’égoïsme est bon.