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ses beautés et avec ses laideurs, avec ses bonheurs et avec ses souffrances, avec ses joies et avec ses rigueurs, avec ses sourires et avec ses atrocités, comme quelque chose qu’il faut aimer avec ivresse, avec un beau délire dionysiaque et dont il faut souhaiter le développement, l’agrandissement, l’embellissement indéfini, et qu’il faut vouloir tout entier toujours vivant, toujours vivace, toujours vivant d’une vie plus intense, toujours rajeunissant.

Ce qui lui déplaît, quelquefois, c’est que ce monde semble vieillir et que certaines idées dont il s’est féru, et que certains sentiments dont il s’est engoué, le rendent sénile et risquent de le rendre décrépit. Il n’y a rien du nihiliste dans ces dispositions d’esprit.

Serait-il sceptique ? Peut-être ne l’est-on pas par ce seul fait qu’on ne croit point à ce que croient la plupart des hommes. Nietzsche sent bien qu’il croit à quelque chose et qu’il y a une foi profonde. Il croit aux Grecs d’avant Socrate. C’est quelque chose. C’est croire à la beauté et à la noblesse de la race humaine. C’est croire que l’homme peut réaliser un idéal de liberté, de force libre, de beauté, de grâce, de noblesse et d’eurythmie. C’est croire que l’homme est un animal exceptionnel, non pas raisonnable, comme quel-