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ce que nous savons, et encore est-ce très difficile à mesurer, c’est que le criminel est un danger pour la société que nous avons faite et que nous tenons à conserver.

La vérité, dans ces questions de culpabilité et d’innocence, de vice et de vertu, est peut-être, non pas précisément le contraire de ce qu’on a cru jusqu’à présent, mais l’inverse de ce qu’on a cru jusqu’aujourd’hui. On s’est, très longtemps, accoutumé à considérer la vertu et le vice comme des causes ; nous avons penchant à les tenir pour des conséquences, et nous « retournons » en quelque sorte toute la question. « Nous retournons d’une curieuse façon le rapport entre la cause et l’effet, et il n’y a rien peut-être qui nous distingue plus foncièrement des anciens croyants en la morale. Nous ne disons plus, par exemple : « Si un homme dégénère au point de vue physiologique, c’est le vice qui en est cause. » Nous ne disons pas davantage : « La vertu fait prospérer l’homme, elle apporte longue vie et bonheur. » Notre opinion est, au contraire, que le vice et la vertu ne sont point des causes, mais des résultats… Nous tenons à l’idée que malgré tout (malgré éducation, milieu, hasard, circonstances) on ne devient que ce que l’on est…… On devient un honnête homme parce que l’on est un honnête homme ; c’est-à-dire