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ment la peine au degré d’étonnement qui s’est emparé de vous ». C’est là qu’est l’injustice, dérivant de l’ignorance.

Savez-vous quel est le travail du défenseur en procès criminel ? Il est très simple. Il consiste à sortir peu à peu de l’ignorance au sujet des antécédents et des circonstances de l’acte. Il consiste à connaître l’acte. Quand il le connaît, l’étonnement dont je parlais tout à l’heure diminue peu à peu et avec lui l’horreur pour l’acte. L’acte commis rentre dans l’ordre et il finit par ne plus paraître du tout une faute, mais seulement quelque chose de dangereux pour la communauté. Si le ministère public n’était pas dominé par ses instincts professionnels, comme il fait exactement la même chose que l’avocat, à force de fouiller les antécédents du criminel et de les connaître, il finirait, lui aussi, par ne plus voir du tout la faute en tant que faute. Il finirait par comprendre le crime comme s’il l’avait commis et, par conséquent, il finirait par ne plus du tout le trouver criminel, mais seulement dangereux pour la société. À analyser un acte criminel, c’est-à-dire à le connaître, on le vide de toute criminalité. Il est extrêmement dangereux, si l’on veut punir, d’étudier une affaire criminelle ; car on finit par diminuer la distance entre soi et le criminel jusqu’à la supprimer complètement et, parti de cette idée :