Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le plus précieux sur vous-même et le plus sûr que vous puissiez lire.

Cependant vous prétendez n’être pas responsable de vos rêves. Je serais porté à en conclure « que la grande majorité des hommes doit avoir des rêves épouvantables ». Si elle en avait de beaux, elle en serait fière et s’en déclarerait responsable avec enthousiasme et « l’on exploiterait la poésie nocturne en faveur de l’orgueil humain ». Mais, quoi qu’il en soit, vos rêves c’est bien vous, c’est plus vous que vous éveillé. Quand on a étudié le caractère d’une personne et qu’on lui fait raconter ses rêves, on retrouve en eux tous ses sentiments à un plus haut degré de naïveté et dans une plus nette et pure lumière de naïveté et de candeur.

Or, revenons-y, vous ne voulez pas être responsables de vos rêves. Vous avez raison ; mais point davantage, et encore moins, et à plus forte raison non, vous n’êtes pas responsables de vous-mêmes dans votre état de veille. « Car la vie est un rêve, un peu moins inconstant », comme dit Pascal, c’est-à-dire un peu plus réprimé et corrigé par le non-moi qui, sans doute, n’est pas vous ; et si vous êtes plus libres dans vos rêves qu’en veille, ce n’est pas une raison pour ne croire à votre libre arbitre que quand vous êtes éveillé ; et en dernière analyse « le