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les actes sont essentiellement inconnus. » — Les anciens croyaient que l’acte est contenu dans la pensée que nous en avons comme l’oiseau dans son œuf et qu’il doit nécessairement en sortir, et c’est pour cela que Socrate et Platon concluaient logiquement que faire un acte c’est le savoir, que qui le sait le fait, et que qui ne le fait pas est simplement un homme qui ne le savait pas et que le criminel est simplement un homme qui ne sait pas la vertu. — Est-ce que cela ne vous paraît pas puéril ? Ce serait pourtant la vérité même, si nous savions comment l’action s’accomplit. En ce cas il serait très vrai de mesurer la pensée à l’acte et de conclure de tel acte non fait que la pensée n’en existait point et de tel acte fait que la pensée en existait. Mais ce n’est pas cela du tout. Entre la pensée et l’acte il y a quelque chose que nous ne connaissons pas le moins du monde ; « ce que l’on peut savoir d’un acte ne suffit jamais pour l’accomplir, et le passage de l’entendement à l’action n’a été établi jusqu’à présent dans aucun cas. » Dès lors la responsabilité disparaît. Vous n’êtes guère la cause d’un acte dont il vous est impossible de démêler en vous quelle est la cause ; et tant qu’on ne saura pas comment se fait le passage de l’idée à l’acte, et tant qu’on ignorera tout ce qu’il y a entre elle et lui, tout ce qu’il peut y avoir, tout ce qu’il doit y avoir entre elle et