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ont un intérêt d’amour-propre à déguiser une soumission et une servilité toute terrestre et temporelle sous les dehors d’une soumission spirituelle et de caractère religieux ou moral. Subtile manœuvre de l’égoïsme, dont ceux qui en profitent peuvent être plus ou moins dupes : « Celui qui se sent déshonoré à la pensée qu’il est l’instrument d’un prince, d’un parti, d’une secte, ou même d’une puissance d’argent ; mais qui veut être cet instrument, ou bien est forcé de l’être ; celui-là, en face de lui-même et de l’opinion publique, aura besoin de principes pathétiques que l’on puisse sans cesse avoir à la bouche, de ces principes d’une obligation absolue, à quoi l’on peut se soumettre et se montrer soumis sans honte. Toute servilité un peu ingénieuse tient à l’impératif catégorique et se montre ennemie mortelle de ceux qui veulent enlever au devoir son caractère absolu. »

Tout cela se ramène peut-être à dire que la conscience, loin qu’elle soit le fond même de notre nature et sur quoi nous devons nous appuyer sans cesse, n’est qu’une accommodation de notre être à ce qui l’entoure et à ce avec quoi il est obligé de vivre. Leibniz pensait de la conscience intellectuelle ceci : la connaissance n’est de la représentation qu’un accident et non l’essence, et ce que nous appelons conscience (intellectuelle) n’est qu’une con-