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dans tes instincts, tes penchants, tes antipathies, tes expériences et tes inexpériences. Il faudrait que tu te demandasses : comment s’est-il formé là et puis encore, après : « Qu’est-ce qui me pousse en définitive à l’écouter ? » Car, remarque bien. « Tu peux prêter l’oreille à son commandement comme un brave soldat qui entend les ordres de son officier. Ou bien comme une femme qui aime celui qui commande. Ou bien comme un flatteur et un lâche qui a peur de son maître. Ou bien comme un sot qui obéit parce qu’il n’a rien à répliquer à l’ordre donné. Bref, tu peux obéir à ta conscience de cent façons différentes. »

Songe aussi aux habitudes prises : « Si tu écoutes tel ou tel jugement comme la voix de ta conscience, en sorte que tu considères quelque chose comme juste ; c’est peut-être parce que tu n’as jamais réfléchi sur toi-même et que tu as accepté aveuglément ce qui, depuis ton enfance, t’a été désigné comme juste. »

Songe encore à un subtil déguisement de ton amour-propre, comme dirait La Rochefoucauld, c’est-à-dire de ton intérêt. Si tu écoutes tel ou tel jugement comme la voix de ta conscience, c’est peut-être « parce que le pain et les honneurs te sont venus jusqu’à présent avec ce que tu appelles ton devoir ; et tu considères ce devoir comme juste